Accord d'assistance administrative Etat-Polynésie française

Publié le par Emma Algan

Lors de la 7ème séance de la session budgétaire, le jeudi 12 novembre 2009, Mme Emma Algan est intervenue sur le projet d’accord d’assistance administrative entre l’Etat et la Polynésie française:

 

Monsieur le Président de l’Assemblée de Polynésie Française

Monsieur le Président de la Polynésie Française ;

Mesdames et Messieurs les ministres ;

Mesdames et messieurs les représentants ;

Mesdames, Messieurs, chers internautes,

 

L’accord d’assistance administrative entre l’Etat et la Polynésie française est une obligation qui nous est imposée par la LODEOM. Outre le fait que cette convention de partenariat est une condition à l’ouverture à la défiscalisation des entreprises dans notre pays à partir de 2010, elle vient combler un vide, puisque la dernière convention fiscale entre la Polynésie française et l’Etat date de 1966.

 

L’accord propose deux axes de coopérations :

-          le premier concerne le contrôle direct. Il s’agit de faire venir physiquement des agents métropolitains de la Direction Générale des Financements Publics (DGFip) en Polynésie française pour contrôler les opérations de défiscalisation. Ces opérations ont un caractère obligatoire, et par bon sens, il n’y a pas lieu de se positionner à l’encontre de la répression de la fraude fiscale. En effet, en tant que collectivité de la République, il est inconcevable  de permettre le détournement de la fiscalité qui s’applique en France métropolitaine. Nous nous prononçons bien évidemment contre toute forme de fraude fiscale.

 

-          Le deuxième champ d’application de ce texte peut, à l’inverse, susciter quelques interrogations de la part des élus polynésiens puisque, de façon inopinée, l’accord a été étendu aux échanges d’informations sur les revenus des non-résidents de la Polynésie française. La DGFip peut donc saisir le pays dans l’échange de renseignements concernant les fortunes et revenus des personnes soumises à l’impôt sur le revenu en métropole.

 

-          Autre point inattendu de cet accord : l’échange d’informations ne sera pas accompagné de moyens supplémentaires pour le pays ; en clair, si nous n’avons pas de moyens suffisants humains ou financiers pour répondre à la demande d’information émanant de l’Etat, il en va de notre propre responsabilité.

 

Tout d’abord, nous remarquons qu’il y a une certaine contradiction dans la formulation de l’accord puisqu’on nous dit que, je cite, « Les contrôles concerneront exclusivement les opérations de défiscalisation métropolitaine », et que parallèlement nous sommes dans un contexte beaucoup plus large qui concerne l’échange de renseignements dont l’objectif serait de lutter contre le blanchiment d’argent.[1]

 

En dépit d’un discours qui se veut rassurant sur des échanges d’information à des proportions convenables, et malgré l’insistance de notre ministre auprès de nos partenaires métropolitains, nous n’avons finalement qu’une entente verbale sur les moyens humains et financiers qui seront liés à cette convention.

 

L’article 4 alinéas 4 précise sans ambigüité que « Chacun des territoires s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre l’échange de renseignements » Rappelons cependant que la Polynésie française a 80 agents administratifs chargés de ces contrôles, et que l’Etat en a 130 000.

 

A priori, notre pays n’aurait pas le droit de refuser la mission d’échange d’information et c’est à nous de mettre tous les moyens en œuvre pour procéder à ces transmissions de renseignements. Nous souhaiterions que notre Ministre des Finances nous éclaire un peu plus à ce sujet.

 

Certes, il existe une réciprocité des échanges d’informations entre l’Etat et le pays. L’article 2 liste les impôts concernés d’une part et d’autre[2], et la Polynésie française pourra elle aussi jouir de ces droits d’informations.

L’accord d’assistance administrative entre l’Etat et la France, proposé sous ces angles, c'est-à-dire à la fois

-          comme une condition à la défiscalisation Loi Girardin à compter du 1er janvier 2010,

-          comme une obligation de contrôle direct mais aussi indirect des agents administratifs, sans apporter plus de moyens humains au pays,

-          et également présenté sous la forme d’une réciprocité dont le pays ne peut pas vraiment s’écarter,

est un accord qui suscite bien évidemment des interrogations.

Nous avons là un accord qui force la main ; même si cet engagement de saisine raisonnable de la France demeure verbal, nous demandons à notre Ministre des Finances de nous éclairer sur le fait qu’on ne prenne pas en compte par écrit, nos administrations limitées financièrement et humainement.

 

Enfin, nous conclurons sur un point essentiel qui doit être sérieusement considéré par notre partenaire métropolitain : Nous sommes la collectivité qui est la moins bien informée sur ses propres piliers sociaux économiques.

L’atelier 4 des Etats Généraux en a fait le constat, la Polynésie française souffre d’un manque chronique d’outils lui permettant de disposer d’information. A titre d’exemple, ni le service des contributions, ni l’IEOM, ni l’ISPF ne sont en mesure de nous dire quelle est la masse d’investissements réalisés par les Polynésiens dans les assurances vies.

Alors, lutter contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent, oui bien sûr, mais pour pouvoir échanger de l’information, encore faut-il pouvoir en disposer dans les temps voulus.

 

 

Je vous remercie de votre attention.


Mme Emma ALGAN
3ème Vice présidente de l'Assemblée de Polynésie française
Représentante IA ORA TE FENUA



[1] Relevé par Jean-Christophe Bouissou, compte rendu de commission des finances du 28 octobre 2009, p 3.

 

Publié dans DISCOURS DES ELUS

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