Projet de prime à l'emploi

Publié le par Emma ALGAN

Projet de prime à l’emploi

Je me souviens qu’à l’école, on nous apprenait que l’armée française avait toujours été en retard d’une bataille. En 1914, elle était prête pour la guerre de 1870 ; en 1939, elle était prête pour la guerre de 14…

Votre projet de loi, c’est un peu la même chose, il est en retard d’une bataille !

Il arrive en mai 2006, pour soutenir vos actions d’octobre 2005 !

Pourquoi ce retard ?

Tout simplement parce que vous vous êtes trompé, dès le départ, sur la procédure à suivre.

Tout le monde au sein de cette Assemblée a gardé en mémoire vos propos expliquant qu’on n’avait pas besoin d’une loi de pays pour augmenter les salaires de tous les salariés.

Nous, nous vous indiquions qu’il fallait une loi de Pays

Vous nous répondiez, un brin condescendant, qu’une simple convention signée par une partie des patrons et des syndicats de salariés pouvait être étendue à toutes les branches d’activité et aux branches non conventionnées.

Nous notons que finalement, vous nous avez rejoint ; vous avez constaté que le droit vous obligeait à passer par une loi de Pays.

Mais, votre projet de loi de Pays n’arrive pas seulement après la bataille, il arrive aussi à contre-temps, à contre-courant.

L’actualité sociale et économique l’a rattrapé et démontre, sous nos yeux, qu’il ne répond pas aux enjeux économiques ni aux besoins des salariés polynésiens.

A peine quelques mois après l’augmentation de 6.000 francs octroyés à la plupart des salariés conventionnés, les syndicats réclament une nouvelle augmentation des salaires pour faire face à l’inflation qui a rogné leur pouvoir d’achat, ainsi que l’indexation du SMIG sur l’indice du coût de la vie.

Les salariés d’EDT ont entrepris une grève et obtenu de nouvelles revalorisations.

Les salariés des sociétés d’hydrocarbures leur emboîtent le pas.

Et on entend déjà certains syndicats parler de prochaines actions en vue de défendre le pouvoir d’achat des salariés.

Le moins que l’on puisse dire en écoutant les syndicats, c’est que votre dispositif n’a pas amélioré le pouvoir d’achat des salariés.

Bien au contraire !

La situation est d’autant plus préoccupante que les revendications salariales se font jour alors que vos nouvelles taxes ne sont même pas encore entrées en vigueur.

Vos nouvelles taxes n’entrent en vigueur que maintenant.

Aussi, la prime qui devait couvrir ces taxes ayant déjà été mangée par l’inflation, c’est encore le pouvoir d’achat des salariés et, plus largement, le pouvoir d’achat des familles polynésiennes qui vont être touchés.

Dans ce contexte, on nous sert à nouveau du « Te Autaeaera’a » et on entend déjà le Gouvernement inviter à la négociation de la deuxième phase du projet sur le mêmes bases :

Augmentation des salaires, baisse des cotisations et le tout équilibré par des impôts nouveaux.

On sent déjà le cercle vicieux, la fuite en avant.

D’ailleurs, puisque c’est la suite du même projet, vous avez sans doute déjà préparé une autre Loi de Pays identique à celle qui nous est présenté avec retard aujourd’hui pour augmenter encore une fois unilatéralement les salaires ? De combien ? Quand ?

Le système de prime instauré n’est par ailleurs absolument pas juste au plan social.

Selon nous, donner 6000 F à tous les salariés, quel que soit leur revenu n’est pas équitable.

6000 F pour le salarié au SMIG, ce n’est pas pareil que 6.000 F pour le salarié qui est au plafond des cotisations CPS ou 6.000 F pour les patrons salariés de compagnies aériennes locales.

Donner la même prime à un smigard et à un salarié qui touche un million par mois ne correspond à aucune logique et n’est fondé sur aucune équité sociale.

L’uniformité en la matière n’a pas de sens.

Au plan général, cette mesure n’est pas non plus équitable et socialement juste.

En effet, vous avez privilégié les salariés en oubliant totalement les patentés, les agriculteurs et les pêcheurs dont certains disposent de revenus très bas.

Enfin, l’intervention des pouvoirs publics dans la fixation générale des salaires des employés en dehors des cadres normaux du dialogue social et de la concertation est évidemment de nature à porter atteinte à la confiance des entreprises et des investisseurs.

Cette pratique relève du dirigisme économique. Ce modèle économique n’est clairement pas celui de RAUTAHI.

Il ne faut pas se leurrer, l’économie dirigée n’a pas d’avenir en Polynésie française.

Et pendant ce temps là, entre des mesures économiques prises unilatéralement et une rue qui gronde contre la vie chère, le Gouvernement multiplie les dépenses inutiles aux frais des contribuables.

Il se déplace à 1 Président, 10 ministres, deux représentants de l’Assemblée de la Polynésie française et « de nombreux invités du Président » pour inaugurer UN poteau vini à Anaa.

Et pendant ce temps, le Gouvernement atteint 19 membres (18 ministres et 1 Président).

Celui-là même qui crier à la gabegie et au gaspillage et se vantait de pouvoir gouverner avec 10 ministres maximum bat tous les records.

Quelle désillusion !

Beaucoup aimeraient avoir un bilan coût/compétence de vos ministères ?

Au total, la manière dont vous traitez la population, la manière dont vous abordez les problèmes et les solutions que vous proposez sont injustes, inadaptées et incohérentes.

C’est votre nouveau mode de gouvernance qui est contestable et, par certains côtés, véritablement scandaleux.

Aussi, nous ne la soutiendrons pas, notamment lorsqu’elle prend la forme du présent projet de Loi de Pays.

Emma ALGAN

Publié dans DISCOURS DES ELUS

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